Des électrodes construites grâce à des virus génétiquement modifiés pourraient fournir jusqu’à trois fois plus d’énergie que les batteries classiques.
Avis aux technophobes : les batteries du futur seront peut-être truffées de virus génétiquement modifiés ! Mais pas de panique, ces microbes-là sont inoffensifs et seront morts lorsque vous uiliserez vos accessoires électroniques préférés !
Au Massachusetts Institute of Technology (MIT), la chercheuse américaine Angela Belcher et ses collègues imaginent en effet des électrodes construites grâce à des virus. Elles pourraient remplacer les électrodes classiques dans les nouvelles batteries, de type lithium-ion, qui équipent Caméscopes ou téléphones portables par exemple.
Objectif : surmonter le gros handicap de l’électronique mobile, le manque d’autonomie. En effet, les virus sélectionnés pour ce type d’utilisation présentent l’avantage d’avoir une structure géométrique parfaitement définie. Cet agencement régulier optimise le phénomène de charge et décharge des électrodes, donc l’autonomie de la batterie ! De surcroît, avec les virus, « tout se passe à l’échelle nanométrique. Des miniaturisations inaccessibles avec les électrodes classiques » , confirme Eric Larquet, ingénieur du département de biologie structurale de l’Institut de minéralogie et de physique des milieux condensés (IMPMC) de l’université Paris-VI.
La nouvelle star de l’électronique est donc peut-être le « bactériophage M13 ». Ce virus bien connu des biologistes est au cœur des travaux déjà publiés dans la revue Science en avril 2006 par les chercheurs du MIT. « Une structure modèle » , confirme Eric Grelet, du Centre de recherches Paul-Pascal (CNRS-université Bordeaux-I). Les 2700 protéines qui forment son enveloppe (la capside virale) s’organisent en un petit bâtonnet régulier et symétrique. En plus de ces capacités d’auto-organisation et de cette perfection géométrique, M13 présente un autre avantage : « il possède des propriétés comparables à celles des cristaux liquides, dans un état intermédiaire entre phase liquide capable de s’écouler et phase cristalline parfaitement organisée » , précise le chercheur bordelais. L’équipe d’Angela Belcher a donc cherché à en faire la matrice de nanofils… conducteurs. Sauf que les virus eux-mêmes ne sont pas de bons conducteurs électriques ! D’où l’appel au génie génétique. Les chercheurs américains ont modifié quelques gènes du bactériophage M13 afin que son enveloppe protéinique ait la capacité de se lier à des métaux comme le cobalt et l’or. Une fois cet OGM obtenu, il a été multiplié dans « l’usine » préférée des biotechnologies, les bactéries Escherichia coli , chacune d’elles étant capable de fournir plus de 200 copies du virus.
Ultime étape : à température ambiante, les chercheurs ont plongé l’OGM dans une solution contenant l’or et le cobalt. Chaque virus sert alors de matrice, puis meurt, laissant la place à un nanofil conducteur 10 000 fois plus fin qu’un cheveu ( voir le schéma ). Electronégatifs, ces nanofils ont été ensuite placés sur un gel d’électrolyte de façon à former une sorte de film métallisé : une électrode parfaite !
Comparé aux batteries actuelles, dont plus de la moitié du poids et du volume viennent de composants ne servant pas au stockage de l’énergie, « le nanomatériau que nous avons fabriqué fournit deux à trois fois plus d’énergie » , assure Angela Belcher.
Alice Bomboy
Sciences et Avenir
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